Comité de pilotage du 14 janvier 2016
[su_box title= »Présents » box_color= »#14749F »]Philippe Aldon, Directeur délégué aux affaires Internationales et européennes – CNED, Catherine Becchetti-Bizot, Inspectrice générale de l’Education nationale, chargée de mission – MENESR, Roland Biache, Délégué général – Solidarité laïque, François Bocquet, Chargé de la prospective au NumériLab – DNE (MENESR), Jean-Claude Chapu, Adjoint au Directeur de l’ESENESR, Marie-Christine Clément Bonhomme, Directrice – Direction du développement international – CANOPE, Anne Darmouni, Chargée de mission – DAREIC – correspondante pour l’académie de Paris des actions Mlf-Paris, Damien Durand, Chef du service pédagogique – AEFE, Laurent Gallissot, Chef de mission, mission de la langue française et de l’éducation – DGM (MAEDI), Lionnel Jeanneret, IA-IPR EVS – Académie de Dijon, Mireille Lamouroux, Chargée de mission – DNE (MENESR), Guillaume Lion, Délégué académique au numérique – Académie de Dijon, François Neuville, DAREIC – Académie de Paris, Hubert Oudin, IA-IPR honoraire – correspondant pour l’académie de Reims des actions Mlf-Reims, Jean-François Plard, Expert auprès du Directeur – CIEP, Thérèse Pujolle, Administratrice, instances Mlf, Philippe Ratat, Directeur territorial adjoint, Responsable du département Ressources Technologies et Communication – Canopé Bourgogne Franche-Comté, Alice Tawil, Responsable Pays Maroc – Solidarité laïque, Eric Tosatti, Chef de pôle de l’enseignement français et de l’enseignement bilingue auprès de la mission de langue française et de l’éducation – DGM (MAEDI), Nelson Vallejo-Gomez, Conseiller auprès du président de la FMSH, Claude Valtat, IPR économie-gestion – correspondante pour l’académie de Dijon des actions Mlf-Dijon.[/su_box]
[su_box title= »Siège Mlf » box_color= »#14749F »]Jean-Christophe Deberre, Directeur général, Michel Bur, adjoint au Directeur général, Laurent Batut, chargé de mission, Jacky Morelet, chargé de mission, Dominique Collado, chargée de mission, Aude Buclon, chargée de communication, Léa Attar, chargée de l’événementiel, Julie Itchah, assistante de direction.[/su_box]
Le Recteur de l’Académie de Paris a reçu les membres du comité de pilotage en Sorbonne mettant ainsi en valeur la vigueur du partenariat avec la Mlf. S’il souligne que le sujet du congrès incline à donner priorité à l’EMC, ce seul prisme ne sera pas suffisant. Les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) seront par exemple un instrument de l’éducation à la citoyenneté, comme les CVL. La qualité des échanges du CAVL de Paris avec les élèves de la Mission laïque en atteste et ce type d’échange pourrait heureusement illustrer l’importance des rencontres entre élèves lors du congrès de 2016.
Les termes
L’enseignement moral et civique (EMC) est au cœur de la problématique mais ne constitue pourtant qu’un élément de la priorité « éducation à la citoyenneté » décidée par les autorités éducatives françaises. Il est pourtant clair que nous sommes à un moment du débat qui doit marquer sa « précipitation » dans un contenu pédagogique resituant et renouvelant les divers avatars de cet enseignement dans notre système scolaire.
Dans la plupart des systèmes éducatifs, l’éducation à la citoyenneté est conçue comme une préparation à l’exercice futur de la citoyenneté. Elle constitue une finalité de l’école. C’est d’ailleurs ce qu’a voulu mettre en évidence la Mlf dans ses principaux axes de travail, lesquels pénètrent peu à peu les projets des établissements : communication, autonomie, citoyenneté. Comme y a insisté le premier comité de pilotage, l’école n’est pas la société mais elle a pour mission de contribuer à la construire, et de construire une communauté éducative cohérente et mobilisée sur cet objectif.
C’est une question centrale dans le processus de construction de la communauté scolaire à l’étranger, et c’est un enjeu identitaire majeur de l’enseignement français dans le monde.
A ce stade, des grandes tendances dans le débat tel que le premier comité de pilotage les a mises en évidence :
- Pertinence du débat à l’étranger: pas de remise en cause d’une réflexion appropriée autour de l’EMC pour l’étranger. Cela pose donc un problème d’ordre institutionnel : l’enseigne-t-on vraiment, partout, et comment ?
Mais la question est cruciale pour que l’enseignement français à l’étranger (EFE) soit accepté partout où il est car il n’y a pas d’extraterritorialité pour nos établissements.
Le rayonnement de la France ne saurait être un argument d’autorité, au contraire : l’originalité historique du cas français, le sens de son message (la conquête de l’histoire et donc la possibilité voire l’espoir qu’il informe d’autres récits nationaux), la portée symbolique et prosélyte de la voix de la France qui n’échappent pas à l’extérieur (c’est ce que pointent les actes terroristes perpétrés dans ce pays en 2015), rendent nécessaire la précaution de sa transmission, et d’abord de sa mise en contexte –d’ailleurs, cela se fait et explique la grande variété de situations. Autrement dit le rayonnement français comporte une exposition intrinsèque au risque. Nos marges de manœuvre dans la transmission de nos « valeurs » se sont d’autant plus réduites depuis plusieurs années que le sens de notre message n’a plus le caractère d’évidence que nous imaginions naguère.
L’EMC apparaît, de manière manifeste, comme un des éléments centraux du socle, y compris dans l’évaluation. Dans la perspective de l’évaluation de la conformité de son enseignement, cette question pour l’EFE n’en devient que plus urgente.
- Deux approches, plutôt complémentaires :
- L’une considèrerait que l’éducation à la citoyenneté, c’est l’esprit et le sens du programme français, qu’il lui est consubstantiel. La qualité et l’efficacité de sa transmission et de sa réception par une pédagogie exigeante, apte à dégager ce qui caractérise notre enseignement (le savoir avant la croyance) réduirait la question de sa spécificité en contexte, même si encore une fois nos établissements ne jouissant d’aucune extraterritorialité, ce contexte doit être connu, respecté.
- L’autre insisterait sur la spécificité d’un enseignement justement adapté aux contextes, qui suggère, mais ce n’est pas explicitement évoqué, une sorte de déclinaison adaptée de l’EMC là où on est, au risque évidemment de fragmenter, fragiliser notre enseignement.
En vérité, une ligne semble se dégager pour une approche par l’établissement, qui informe profondément le projet de l’enjeu citoyen : que la sensibilisation à ce qu’est l’idée de citoyenneté et comment la vivre, soit présente dans toute activité, scolaire et parascolaire, que l’ensemble des personnels y soient intéressés, ce qui suppose une approche unissant : la pédagogie et sa qualité, la formation des enseignants, une déclinaison et une appropriation d’activités qui font particulièrement sens… Corollaire : l’enseignement de la philosophie, si propre à notre enseignement, la place de la culture et de l’éveil de la sensibilité, le rôle du sport sont évidemment des enjeux centraux dans l’offre française.
La première approche qui consiste à revenir aux fondements de l’éducation à la française, et allons plus loin, à la construction de la morale à et par l’école, place implicitement l’EFE devant ses responsabilités. L’éducation à la citoyenneté est au cœur d’apprentissages de haute tenue morale et intellectuelle, et réellement laïques au sens où la science, la raison, l’esprit critique ou de libre examen priment finalement sur toute croyance ; mais comme cette approche est loin d’être partagée dans tous nos territoires d’activité, elle exige un corps enseignant particulièrement solide, soudé, averti des enjeux et des pièges du débat.
Elle pose donc de façon pressante la question de la formation, de la culture, et la préparation au débat de nos enseignants.
- La question du national et du global dans les valeurs citoyennes : la citoyenneté, fortement enracinée dans l’identité nationale, voire la construction d’un mythe national (signes, emblèmes et rites ; enracinement du politique dans une véritable geste nationale) entre en relation avec la construction de valeurs citoyennes mondiales, qui construiraient un monde global possible. L’humain, la culture et la place du religieux, une éthique (dans l’économie), les conditions de la survie et du développement de l’espèce (l’homme et la planète) sont les problématiques connexes qui doivent irriguer la réflexion des enseignants et structurer la construction citoyenne de nos élèves.
L’appréhension d’une continuité possible sans contradiction ni tension entre le national et le global est un enjeu du congrès. Le concept du « divers » est certainement le point de départ d’une réflexion fondée sur le respect de la connaissance exacte, de la comparaison et du respect de l’altérité, des fondements d’une morale qui exclue qu’au nom du divers, on accepte n’importe quoi.
Or, 2015 a montré que le populisme et le fondamentalisme se ressemblent dans le refus de l’altérité, donc fondamentalement de la diversité, donc de la construction des valeurs dont nous parlons : peut-on rêver et penser un universel dont l’école serait le vecteur ?
- La question de la « désanctuarisation » et de la « désacralisation » de l’école : d’un côté, la réussite, effet d’une instruction à visée utilitariste et d’une appropriation individualiste du service scolaire, l’emporte souvent sur le sens de l’éducation comme construction d’un citoyen. De l’autre, le numérique a ouvert grand les portes de la classe. Les deux vont de pair : une éducation citoyenne (d’aucuns diraient éthique) n’est-elle pas le meilleur moyen de redonner sa dignité à l’école, lieu de tous les apprentissages, en imposant un modèle efficace, intellectuellement, affectivement et psychologiquement, moralement parlant ?
Autrement dit : la vraie refondation de l’école, et l’affirmation d’une identité de l’école française à l’étranger ne sont-elles pas là ?
La question de la citoyenneté n’est pas neutre surtout quand elle est posée en France. Elle est chargée dune longue histoire révolutionnaire et institutionnelle. Il faut réaffirmer que quand on oppose raison et foi, on n’attaque pas les religions. A l’étranger, l’éducation laïque à la française peut être ressentie comme un danger pour la religion. Il ne faut pas oublier que dans bien des Etats la citoyenneté est un problème de « riches ». Cela pose très clairement le positionnement social de notre école qui se doit de transmettre des idéaux qui peuvent la mettre en porte-à-faux vis-à-vis de son positionnement d’institution privée à l’étranger (même si elle a un but non lucratif), donc accrochée à l’élite et inégalitaire. L’intégration sociale des élèves dont les familles ne feraient pas partie de l’élite pose question.
A cette « question sociale » s’ajoute ainsi le fait que ce système scolaire s’appuie sur la langue française et que ce modèle français est héritier d’une langue impériale et d’un système scolaire colonial dans certains pays attachés à l’enseignement français. L’histoire des grands lycées du Maroc, par exemple, est issue de celle du Protectorat, ils étaient bilingues et gratuits. Ils constituent la représentation symbolique, nostalgique et apparemment égalitaire d’institutions qui ont fait l’histoire des colonies. Il peut s’agir là d’un élément de crispation essentiel qu’il convient de prendre en compte dans notre approche. La prudence, ou modestie, de cette dernière ne doit pourtant pas nous empêcher de réaffirmer nos positions. Il nous faut parler davantage d’exigence que de contrainte par rapport à la laïcité et associer la commission nationale des droits de l’homme au Maroc (CNDH).
La langue française doit-elle être le support exclusif de notre questionnement collectif ? La question posée par notre congrès doit nous faire réfléchir à la place des autres langues aux côtés du français. Deux approches peuvent ainsi se confronter. L’une souligne que la connaissance de l’altérité commence par l’apprentissage de la langue de l’autre, du « barbare ». L’autre lie intrinsèquement l’apprentissage de la citoyenneté et de nos valeurs à l’apport de la langue française, vecteur de la liberté du citoyen.
La dimension historique de nos débats ne peut donc pas être éludée. Nous ne pouvons pas nous dispenser d’un historique de ce qu’est la citoyenneté dans l’enseignement français mais aussi prendre en compte celle de « l’instruction civique » au sein même de notre institution scolaire en France. Cette histoire faite de fluctuations nous invite d’ailleurs à faire une distinction entre civilité et citoyenneté et se rapprocher de ce qui s’est fait au premier degré depuis plus de 15 ans.
Il faudra penser à des protocoles pour l’enseignement moral et civique au travers d’échanges internationaux (certains projets financés dans le cadre d’Erasmus + sont en cours) et de formules hybridées par l’utilisation du numérique. D’une manière globale, se pose la question du rapport de l’enseignement français à l’étranger avec les systèmes éducatifs locaux. On ne pourra pas se passer de la perspective européenne de la question, mais la construction d’une approche commune n’est pas une évidence. L’exemple berlinois nous enseigne ainsi que la citoyenneté peut être « réduite » aux notions de démocratie et de tolérance. L’apport du Conseil de l’Europe serait cependant fort utile car il est le lieu de l’élaboration de cette approche continentale si complexe.
Le congrès doit être l’occasion d’une réflexion sur la formation des enseignants. La dimension citoyenne a été bien souvent l’apanage de la Vie Scolaire et donc des CPE. Elle s’est ainsi située hors de l’identité enseignante, or l’école est inclusive, elle sait accueillir la diversité. Elle ne peut non plus ignorer les parents qui pourraient être interrogés quant à leur représentation de la citoyenneté et leurs motivations sur le choix de l’école française. Sur ce point la direction générale souhaite pourtant avancer avec prudence et rappelle qu’il sera sans doute nécessaire de mieux contractualiser avec les parents en amont. Le choix implicite de l’école française limite les conflits dans la mesure où chacun connaît l’orientation citoyenne de notre institution scolaire. Le retrait de la Mlf du Qatar est le seul incident issu d’un véritable conflit sur les valeurs relevé à ce jour.
Une place à prévoir dans ce débat et pour faire suite aux travaux des COP21 à Paris et 22 au Maroc : l’éducation au développement durable. Les parcours d’éducation artistique et culturelle peuvent constituer des leviers puissants éclairant l’élève dans son éducation à la citoyenneté.
Enfin, la dimension numérique de notre débat est incontournable – et intimement liée à l’apprentissage de la liberté d’expression et de ses limites – mais elle doit nécessairement dépasser l’usage responsable d’internet ; associer numérique et citoyenneté revient à s’approprier de nouveaux espaces d’échanges, pour les élèves comme pour les enseignants, qui changent le monde. Quels sont les autres usages ? L’EMI doit être un des lieux d’apprentissage de la citoyenneté et de l’implication des élèves. Le congrès doit dès lors être l’occasion pour les élèves de montrer les projets les plus emblématiques de cet engagement citoyen. Tout comme les CVL et les CVC doivent « apprendre la représentation », l’EMI doit participer à une nouvelle éducation à l’écriture – celle des blogs, au sens critique et à l’analyse des contenus de l’information alors que l’école a manqué, au début des années 2000, le premier tournant de l’internet 2.0. Faire c’est apprendre.
Quelles sont, par ailleurs, les limites de la liberté d’expression des élèves ? Peuvent-ils interroger, questionner les contenus de leur enseignement ? Peuvent-ils être associés à l’évaluation ?
L’EFE doit cependant faire face à des défis toujours plus nombreux dont nos chefs d’établissements doivent être conscients afin de piloter au mieux nos implantations locales :
- Apporter une solide formation culturelle et éthique dont ils doivent être les exemples
- Etre pleinement conscients des écueils de la relation savoir / foi
- Remettre la maîtrise des langues, et de la langue française au premier chef, au cœur du projet d’établissement
- Proposer la construction de véritables parcours par les élèves, en contractualisant plus fermement avec les familles, afin d’éviter la rencontre frontale avec les cultures d’accueil
- Construire une vie scolaire avec l’ensemble de la communauté éducative